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Pour la première fois, Renault, à l'instar de ses concurrentes nippons, a conçu un modèle en lui promettant d'emblée une destinée internationale. Cet important enjeu commercial et stratégique se réfugie derrière une silhouette dont la discrétion confine à la banalité. Robert Opron, responsable du Centre de Style Renault, nous a aidé à comprendre les choix esthétiques du premier constructeur français.

La Renault 9 inaugure une politique produit véritablement mondiale. Conçue pour le marché européen, ses qualités économiques lui offrent une carrière encore plus internationale à la faveur du 2e choc pétrolier. La Renault 9 sera construite dans toutes les régions du globe.

Les moyens mis en œuvre pour sa conception et sa fabrication sont considérables : 14 500 000 heures d'études et d'essais, 44 prototypes réalisés, 130 moteurs testés, 2 200 000 km parcourus par les prototypes, plus de 500 personnes affectées au développement de ce nouveau modèle.

Les technologies les plus modernes sont utilisées, avec une large place pour la Conception Assistée par Ordinateur (CAO). La production est ainsi très largement automatisée et gagne en qualité.
   
une voiture mondiale
   





Le marché américain fascine la Régie depuis toujours. Plus précisément, depuis 1956, quand la Dauphine s'en alla séduire Manhattan et Hollywood. Trois ans plus tard, 120 000 Renault étaient exportées Outre-Atlantique. Un feu de paille, hélas. Les ventes ne cessèrent ensuite de sombrer jusqu'à l'arrivée de la Renault 5 Le Car. En 1980, elles ne dépassait guère les 25 000 unités.

Les accords de coopération signés avec American Motors en janvier 1979 devaient marquer la fin du dilettantisme français aux USA. L'association va se concrétiser par la production de la Renault 9 à Kenosha, Wisconsin, à partir de 1982. Le cahier des charges imposait dès sa définition en 1977, que la future Renault 9 (qui s'appelait en projet L42) fut internationale, qu'elle pût être produite et vendue dans tous les pays où la Régie disposait d'usine. Cette contrainte fondamentale revenait à concilier les sensibilités d'Amérique Latine, d'Afrique, du Sud-Est Asiatique, mais aussi et surtout d'Europe et d'Amérique du Nord : une compatibilité empirique à laquelle les Japonais sont confrontés depuis qu'ils exportent à l'occident.

La notion de voiture mondiale a conduit en quelques années à l'uniformisation des technologies (traction avant quasi-généralisée aux bas et milieux de gammes) et au nivellement de l'esthétique. On a assisté à une "européanisation" des voitures américaines (plus pas les dimensions que par le style) et surtout des japonaise, maintenant affranchies de leur tics stylistique baroques. Fortement influencés par les Italiens et très vigilants face à l'évolution des goûts américains, les constructeurs japonais ont produit quelques dessins parfaitement intégrés à la culture occidentale. La Toyota Corolla et la Datsun Sunny, très populaires sur leur marché intérieur, se sont avérées des best-sellers en Europe, aux Etats-Unis et dans le tiers-monde.

Devant ce constat, Robert Opron admet que la notion abstraite du classicisme est sensiblement la même dans le mode entier. La politique de Renault suit aussi le modèle japonais par la diversification de la gamme, indispensable pour couvrir toutes les demandes du marché. Dès 1965 la Régie ébaucha cet éclectisme qui ne fait que se confirmer aujourd'hui. Ce schéma détermine une "image de marque verticale" par opposition à l'image horizontale de Mercedes ou de BMW dont l'enchaînement des modèles se fait autour de l'homothétie d'un thème. Aujourd'hui, il n'y a guère d'unité stylistique entre les Renault 5, 9, 14 et 18, pas plus qu'il n'en existe entre les Toyota Starlet, Tercel, Corolla et Carina. L'air de famille n'est plus évoqué que par le logo.

   
classicisme
   

















Le cahier des charges comportait des impératifs propres à décourager les stylistes les plus dociles : il s'agissait de dessiner une berline tricorps (avec coffre arrière) longue de 4 mètres, nantie d'une vocation mondiale et destinée à se glisser entre la 5 et la 14. Quand on connaît la passion d'Opron pour l'aérodynamisme et sont attachement au bicorps, on devine ce que ce métier, par essence créatif, comporte de frustration. On apprécie aussi l'humilité qu'induit l'obéissance à une mercatique toute puissante et finalement le talent d'interprète que requiert cette allégeance.
On est désappointé si l'on porte un regard historique sur les audaces passées de Renault et celles d'Opron et de son équipe, mais cela revient à s'enfermer dans une vaine querelle d'esthètes et d'utopistes. L'originalité est bannie lorsqu'il s'agit de dépasser les 2 000 exemplaires par jours dans le milieu de gamme ; c'est du moins la conclusion qui s'est imposée à Billancourt, en comparant l'accueil mitigé réservé à la 14 par rapport à l'enthousiasme suscité par la 18. Le classicisme possède un pouvoir d'intégration immédiate. Il ne réclame pas ce temps d'accoutumance que ne peut plus s'offrir un constructeur, l'œil fixé sur la montée en cadence. La Renault 9 s'adresse à une catégorie socio-cuturelle qui garde de l'automobile une conception conventionnelle et qui s'estime dévalorisée par l'aspect utilitaire du bicorps, agressée par une aérodynamique arrogante ou gênée par la féminité des citadine comme la R5. Cette clientèle recherche une silhouette traditionnelle de la voiture, qu'elle soit "représentative" socialement, mais que, paradoxalement, elle préserve un discret anonymat de l'individu. Dans les limites fixées par le cahier des charges, il semblait difficile de rélisre un tricorps novateur sans tomber dans un intellectualisme formel. L'Alfa Giuleitta cunéiforme compte parmi les rares berlines trois volumes originales. Le travail des stylistes de la Régie a donc consisté à jouer avec les proportions et à tendre vers cette eurythmie si délicate à atteindre en quatre mètres. Le tracé définitif fut rapidement déterminé : orienté en février 1978, il était arrêté en novembre de la même année, tandis que l'intérieur était achevé en juillet 1979. Cette limitation arbitraire à 4 mètres ne parait pas justifiée pour le public européen qui ne tient compte de l'encombrement que pour les modèles citadins. En revanche, les Américains ont une perception plus aigue des dimensions car les gammes sont là-bas découpées en catégories rigoureuses qui correspondent à des points de repère sociaux. Sub-compactes, compactes, intermédiaires et standard sont les données significatives pour l'automobiliste américain. Seules les concurrentes japonaises de la Renault 9 (Mazda 323, Honda Ballade, Toyota Corolla et Datsun Sunny) se tiennent dans des dimensions comparables. L'européenne la plus proche, la VW Jetta, atteint déjà 4,20 mètres.
Pour le marché nord-américain, la Renault 9 recevra les adaptation habituelles nécessitées par la législation (pare-chocs et phares) ou par le besoin de clinquant (bi-colorisme et chromes). Richard Teague, patron du style d'ALC, qui a effectué ces modifications, a lui aussi mis de l'eau dans son Bourbon depuis la remarquable Pacer ! La Renault 9 marque une rupture de style à la Régie. Après les grandes surfaces rondes et graciles de la 18 et surtout de la 14, la R9 se caractérise par des lignes anguleuses et viriles et des surfaces plates. Des moulures horizontales, très tendues parcourent le profil et sont arrêtées net par les panneaux avant et arrière droits. Les volumes structurés de la 9 s'opposant aux formes modelées de la R14. Aucun arrondi ne vient adoucir les angles acérés de la nouvelle Renault.
On retrouve un traitement comparable au style japonais contemporain, marqué par des lignes aiguisées où l'aérodynamique n'est pas suggérée. (Le Cx se situe néanmoins à 0,37). Le classicisme de la carrosserie se prolonge dans l'habitacle.